Clap de fin

Voilà. Le temps des vendanges est presque terminé. Il reste tout de même quelques hectares de raisin que je ne pourrai honorer de mon coup de sécateur assuré. C'est le coeur lourd, le foie entraîné, les mains violacées, les muscles saillants et l'orteil poilu, que je quitte le domaine des Mathouans, cet endroit magique au coeur du Roussillon, un petit îlot belge perché à flanc de colline en bordure du village, lieu de passage, lieu de rencontre, lieu de rire, de larmes, de vie...tout ça autour du raisin qui devient vin.

Mon père et mon oncle sont venus me chercher de Normandie. On en a profité pour les faire travailler, vendanger, couper, porter, fouler...Puis ce fût le départ, gorgé d'émotions.

Merci à tous d'avoir rendu cet épisode inoubliable. Merci particulièrement à Mathys de m'avoir prêté sa chambre et ses légos, à Titouan d'avoir bien voulu partager le pot de nutella avec moi, à Renaud pour le calme des coups de pioche au crépuscule et de l'arrosage biodynamique à l'aube mais surtout de m'avoir prêté son chenillard, petite machine qui trace des sillons au milieu des rangs de vigne, et bien sûr à Aline, la meilleure patronne, pour son enthousiasme, son partage, sa bonne et mauvaise humeur (cycles alinaires), pour avoir écouté mes anecdotes footballistiques et supporté mes chaussettes éparpillées. Un grand merci à vous deux. Vous allez réellement me manquer. La cuvée 2014 sera exceptionnelle, je l'espère.

Les bulles...explosives !

Faire des bulles (rosé pétillant) peut s'avérer fort compliqué...voire fort explosif ! Et bien c'est arrivé cette année et j'y étais.

Alors d'abord, des petites explications : pour faire des bulles, on laisse un taux de sucre minimum dans le jus lors de la mise en bouteille. Ainsi, la fermentation se poursuit légèrement dans la bouteille, ce qui permet d'avoir des bulles à l'ouverture. Fraicheur garantie, légèreté, les bulles du bonheur !

Sauf que là, ce fût l'explosion, le volcan, la guerre, Vietnam 78, tous aux abris !

Tout a commencé avec un nombre à respecter, 1007, tombé du ciel, une révélation, un nombre surgit peut-être des rêves de la patronne, après multiples incantations lunaires ou alinaires...  Ça sera donc 1007 ! La densité du sucre que l'on doit atteindre avant la mise en bouteille, après corrélation avec la densité de départ des sucres résiduels, glucose, fructose, syrose, lactose, et compagnie, inclus ou non, en fait j'ai rien compris, car ça dépend de... ! Mais bref ça sera 1007. Sauf que la fermentation a été rapide, on est déjà à 995, donc pas assez de sucre, on rajoute du jus de la dernière cueillette de raisin gorgée de sucre, classique. Après des calculs savants matriciels, il faut rajouter 400 litres de jus frais. On rajoute. On mélange. On vérifie. 1007 ! On met donc en bouteille. 2500 bouteilles !
5 jours plus tard, première explosion ! Mauvais signe. Inquiétude. On attend. Deuxième, troisième, des dizaines ! C'est la guerre ! Branle-bas de combat ! Des bouts de verre partout dans la cave, des éclats plantés au plafond ! On doit sauver les bulles ! On va donc déboucher les 2500 bouteilles, la peur au ventre, en tenue de combat, pantalon, blouson en cuir, casque de moto vissé sur la tête, gants, bouclier couvercle de poubelle. On invoque les esprits. On manie les obus avec précaution et on décapsule dans une grande cuve. 1200 bouteilles en 2 jours. On sauve les bulles, aucun incident, une équipe soudée, des rires, du stress. Avec le réconfort des bulles de 2013 pour évacuer le stress. On remet en bouteille avec une densité cette fois de 1000 !!! Le bon chiffre...enfin on l'espère. Suspense. Dans 4 jours, on saura !

La cuvée 2014 sera donc explosive. Son nom sera Kabul ou biodynamite (idée de Renaud).

Biodynamie

"Demain on biodynamise ! Réveil à 4h30 matin !". Mais il est fou ?? C'est Renaud qui vient de parler. Depuis tant de temps que j'en entends parler, je suis vraiment intrigué. J'avais découvert ce terme essentiellement dans la BD "Les ignorants" mais c'est abordé de façon très nébuleuse. Durant ces premières semaines, j'ai écouté attentivement dés que le sujet était abordé. Cela concerne les cycles lunaires (voire alinaires), des bouses de vache enterrées dans des cornes, de la silice, du vortex, etc. Par exemple, depuis que je suis arrivé, les plans vendange du lendemain ont été annulés deux fois par la boss :" demain c'est noeud lunaire ! Repos". Donc premier réflexe, merci biodynamie, car merci noeud lunaire, car merci jour de repos !

Je ne vais pas expliquer ce qu'est la biodynamie. Je dirais seulement que la biodynamie est un système de production agricole inspiré par l'anthroposophie, dont les bases ont été posées par Rudolf Steiner dans une série de conférences données aux agriculteurs en 1924.
Cette méthode a pour idée de départ le concept d'« organisme agricole » qui consiste à regarder toute ferme, tout domaine agricole comme un organisme vivant, le plus diversifié et le plus autonome possible, avec le moins d’intrants en ce qui concerne le vivant (plants, semences, fumure…). Développée et expérimentée par les agriculteurs, cette méthode utilise des préparations à base de plantes censées activer ou maîtriser les « forces cosmiques » des planètes présentes dans le sol afin de soutenir un bon processus végétatif et limiter le développement des parasites. C'est l'emploi de ces préparations reposant sur des principes ésotériques, et la prise en considération des rythmes lunaires et planétaires, qui différencient principalement l'agriculture biodynamique de l'agriculture biologique.

Approfondissons néanmoins pour les noeuds lunaires : Les nœuds lunaires sont les points de l'orbite de la Lune où elle traverse l' écliptique, la trajectoire du soleil dans le ciel. Les biodynamistes considèrent que les travaux effectués à ces moments peuvent avoir une influence négative sur le monde vivant. Il est déconseillé d'entreprendre des travaux touchant le sol, les plantes, les préparations biodynamiques, la récolte ou la transformation des produits agricoles durant les quelques heures qui encadrent les nœuds. De la même façon les planètes ont aussi une orbite inclinée par rapport au plan de l'écliptique et possèdent donc des positions de nœud considérées comme fortement négatives par les biodynamistes, avec des durées encore plus longues que les nœuds lunaires.

Voilà un axiome qui revient souvent chez les vignerons biodynamistes :
" Je ne sais pas comment ça marche, mais ça marche "

Pour ma part, plutôt sceptique au départ, je me suis levé à 5h30 avec Renaud (il avait exagéré avec 4h30), nous sommes allés faire la préparation de la potion magique au milieu des vignes, ciel étoilé, montagnes en fond, silence jusqu'au levé du jour. Puis on met de l'eau dans une grande cuve en cuivre, de la silice, on tourne dans le sens trigonométrique, un vortex est créé, rapide, arrêt brutal, chaos, big bang, on tourne dans le sens inverse, accélaration, vortex, arrêt, chaos...etc. Pendant une heure, on dynamise l'eau. Énergie. Le travail dans les vignes commence ensuite. On asperge les vignes avant qu'elles soient vendangées. En douceur. Cadeau aux vignes. Elles vont ainsi emmagasiner les rayons du soleil avant la cueillette. Plus de soleil, plus de sucre, plus de matière, un vin meilleur !

Les feuilles de vignes étaient un peu tombantes avant. Deux jours après, je retourne sur les parcelles pour vendanger. Les feuilles sont tournés vers le ciel ! Ça marche !

Les vins du Domaine

Les vins du domaine des Mathouans

Ici on aime les jeux de mots, donc les noms de quelques vins sont à relier avec celui de la patronne Aline Hock :

Le blanc
MacAline, Côte du Roissillon, 100% Macabeu

Les rosés
Adrénaline, Côte du Roussillon, 80% carignan, 20% syrah
Carignan d'en Rouzil, 100% carignan

Les rouges
Syrah d'en Rouzil, 100% syrah
Coum de l'Houm, 100% carignan
Le Saint-Martin, 100% carignan 1905
Grenache de Cuchous, 100% grenache
Lledoner pelut, 100% lledoner
Alinéa, 100% rouge

Les doux
Mine de rien, 100% muscat petit grain (rivesaltes)
Nec'tard, 100% grenache noir

Les bulles
Bul'hoc, 100% bulles

Les jus de raisin
L'école buissonnière, en rouge et en blanc

Merci infinniment à Christine, Tamara, Aline, Eleonore, etc pour les nouvelles photos !

Bienvenue chez les belges

Troisième vague belge avec de la main d'oeuvre fraîche. Julien et Noémie, les liégois, et la bande des 4, Éléonore, qui mange avec passion, Aurélie, qui aime se prendre pour cléopatre, Guillaume, le roi de la danse et Arthur, le roi du risotto. Ils ont commencé doucement mais ils ont terminé sur un rythme effréné sur fond de chansons poétiques d'Aurélie, de chansons dégueulasses de Guillaume et d'histoires dentaires d'Éléonore. Grosse soirée mardi pour fêter leur départ. Et il y a David, très sympa, habitué depuis plusieurs années qui nous a fait un show mythique mardi. Il a une playlist musicale parfaite qui redynamise le vin en cave ! Et lors d'une soirée, une idée de génie a germé entre les têtes de Renaud, David et moi. Un futur partenariat entre Québec, France et Belgique pour révolutionner les ventes de Cassoulet à travers le monde. Les gens arrivent puis repartent. J'assiste à la valse des départs des vendangeurs. Des personnes bien différentes, mais toutes attachantes. Pour chaque dernière journée de vendangeurs, le raisin cueilli est gorgé d'émotion...peut-être même de larmes. Une future cuvée sALINE ?

Nouvelle vague belge mixte, avec une moitié flamande et une moitié wallonne. Ça chambre un peu mais dans une bonne ambiance. Beaucoup de boutades sur la paresse des wallons représentée par cette blague :
" c'est une route en belgique avec une usine wallonne d'un côté et une flamande de l'autre. Un jour, l'usine wallonne affiche sur une grande banderole :" ICI ON PARLE FRANÇAIS ". Le lendemain, l'usine flamande affiche " ICI ON NE PARLE PAS, ON TRAVAILLE !" "

Mais bon, ici tout le monde travaille et chacun apporte de son caractère. Nous avons donc, pour cette nouvelle vague, du côté wallon, Kathleen, la joggueuse fluo, Adrien, le guitariste chanteur conducteur de tracteur, Audré, dit Utré en catalan avec un sens de l'orientation aiguisé et Raf, la force tranquille, qui oublie quotidiennement ses affaires sous la pluie. Du côté flamand, nous avons Dryes, l'hyperactif blagueur, Wim, stylé moustachu mexicain, Yann, celui qui vendange dans la mauvaise direction perpendiculairement aux rangs, Tamara, médaillée d'or de foulage de raisins jusqu'au nombril et Dony, autostoppeur timide.

Les flamands parlent flamands entre eux. Les wallons parlent français entre eux. Et quand il y a réunion les flamands parlent français. Les wallons parlent plus difficilement le flamand.

Toutes ces personnes sont vraiment sympas et attachantes. Si ce microcosme représente effectivement la belgique, j'irais faire un tour là-bas ! Mais bon, ici, c'est l'esprit vendange, le vin coule, le soleil rayonne, ce qui facilite la bonne ambiance.

Ici, en mini territoire belge, les blagues fusent en quantité, la bonne humeur est de mise, l'humour est souvent subtil, la bière belge coule à flots entre deux verres de vin, on entend même parler flamand. Pour la première vague belge, nous avons donc Étienne, roi de la blague et champion de scrabble, Christine, Sophie, Julie, Basile, pousseur compulsif de boutons en tout genre, Thomas, Camille, artistes qui ont le crie facile, Isée, Célio, Agnès, maître yogi traductrice quasi belge, Damien, chef cuisto reporter sans frontière, Isabelle, le plumeau et l'éponge greffés aux mains, et margaux.

Voici quelques blagues émises :

- monsieur et madame ptite goutte ont 123 enfants. Lesquels ?
   justine, aline,...
- c'est un belge qui rentre dans une fromagerie et qui demande une livre de Rompi. Le fromager :" mais ça n'existe pas le rompi ! ". L'homme :" mais Jesus, il a bien pris le vin, le vin et le rompi ! "
- monsieur et madame Tatatatatatata ont deux fils. Comment s'appellent-ils ?
   starsky et hutch, tatatatatatataa
- comment dit-on en anglais le sexe de la schtroumpfette ? Bluetooth

En tout cas, merci à cette bande de joyeux lurons très attachants !

Escapade barcelonaise

Après un levé à 5h00 am pour une biodynamisation des vignes à l'aide d'une potion secrète (article à venir bientôt), direction Barcelona avec une partie de l'équipe, histoire de pratiquer mon castillan...en Catalogne.

J'étais passé rapidement il y a quelques années, donc on a pu admirer les oeuvres de Gaudi plus amplement, se gaver de tapas dans le quartier gothic, manger de la pailla et chercher Messi prés du camp nou.

À noter que les travaux de construction de la Sagrada Familia, immense basilique sortie de l'imaginaire de Gaudi, ont débuté en 1882 et ne sont toujours pas achevés.